Pouvoir colonial, figures politiques et société en Guyane française (1830-1910)
Institution:
GuyaneDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
In the context of the colony of French Guiana from 1830 to 1910, the relationship established between the colonial power and political actors impacted the difficult evolution of this territory towards the integration into the French nation. In August 1848, slavery was abolished and the newly freed blacks constituting the majority of the colony's population were made French citizens. From 1848 to the beginning of the Third Republic, the elected representatives of the population requested with noteworthy consistency the recognition of equality between the citizens from the colony and those from Metropolitan France. However, although a gradual application of France's political institutions appearing in line with the requested integration, numerous factors contributed to hinder it. First of all, the distribution of the population in the vast French Guiana area covering, within its current limits, around 84,000 km2 on the Guiana Shield. At the time of slavery under the July Monarchy (1830-1848), the white slave-owners inhabitants confined their dwellings to the coastal zone, while the interior of the colony covered by a vast forest mantle, was home to Amerindians and Marrons. Following the abolition of slavery in 1848, the vast available space and existing natural resources such as gold and forest production provided to former slaves means of leaving, leading to the desertion of colonial plantations for creating their own properties. Consequently, these emancipations have resulted in the ruin of the French Guiana white creole, who until then had held the levers of production and political power. The disappearance of the white social class, effective in the 1880s, did not to provide to the men of color the expected access to political power through the municipalities and the General Council. The racialization of social relations norming colonial societies at this time was strongly opposed to it. Under the ideology of progress, a significant number of colonial administrators, both in the colony and in France, believed that black men did not possess the fitness to take charge of the colony's affairs. Once democratic political institutions were re-established after the fall of the Second Empire in 1870, strengthen by their French citizens status, political figures and actors engaged in the struggle for the recognition of the same the General Council remit in the colony as the one in France. However, benefiting from wide range of powers, governors eventually overcame the determination of elected representative such as Gustave Franconie and Henri Ursleur. New political actors, notably immigrants from the French West Indies, seized power in the General Council and, in 1910 elected Albert Grodet, a former governor, as the colony representative in the Chamber of Deputies. Thereby, the Ministry of Colonies took over the French Guiana affairs, which were aimed at being controlled by the first generations of coloured men from the post-slavery period. It was not until the end of the Second World War that men of colour political aspirations led, in March 1946, to the integration of the colony into the French nation, in the form of one of the Republic departments.
Abstract FR:
Dans le contexte de la colonie de la Guyane française de 1830 à 1910, la relation instaurée entre le pouvoir colonial et les acteurs de la vie politique a déterminé la difficile évolution du territoire vers l’intégration à la nation française. En août 1848, l’esclavage est aboli et les « noirs » ainsi libérés, qui constituent la majorité de la population de la colonie, sont faits citoyens français. Les représentants élus de la population revendiquent alors, de 1848 au début de la IIIème République, avec une remarquable constance, la reconnaissance de l’égalité entre citoyens de la colonie et ceux de la métropole. Mais, en dépit d’une application progressive des institutions politiques de la France dans un sens qui paraît favorable à l’intégration revendiquée, tout concourt à y faire obstacle. En premier lieu la distribution du peuplement dans le vaste espace de la Guyane qui couvre, dans ses limites actuelles, quelque 84 000 km2 sur le Plateau des Guyanes. Au temps de l’esclavage sous la monarchie de Juillet (1830-1848), les habitants propriétaires blancs ont cantonné leurs habitations sur la zone littorale, tandis que l’intérieur de la colonie couvert d’un vaste manteau forestier, abrite des Amérindiens et des « noirs marrons ». L’étendue de l’espace disponible et l’existence de ressources naturelles comme l’or et les produits forestiers conduisent, à la suite de l’abolition de l’esclavage de 1848, à l’abandon du travail sur les habitations au profit de la création d’abattis, donnant aux esclaves libérés les moyens de vivre. Mais la désertion des habitations a pour conséquence la ruine des blancs de la colonie, jusque là détenteurs des leviers de la production et du pouvoir politique. La disparition de la classe sociale des blancs, effective dans les années 1880, n’ouvre pourtant pas toute grande les portes du pouvoir que pourraient exercer les hommes de couleur dans les municipalités et au conseil général. La racialisation des rapports sociaux qui est de règle dans la société coloniale s’y oppose fermement. Sous l’empire de l’idéologie du progrès un nombre significatif d’administrateurs coloniaux, tant dans la colonie que dans la métropole, pensent en effet que les hommes de la « race noire » n’ont aucune aptitude à prendre en charge les affaires de la colonie. Une fois les institutions politiques démocratiques rétablies après la chute du Second Empire en 1870, forts de leur qualité de citoyens français, les figures et les acteurs politiques s’engagent dans la lutte pour que soient reconnues au conseil général de la colonie les mêmes attributions dont jouissent les conseils généraux en France. Mais des gouverneurs aux larges pouvoirs finissent par avoir raison de la détermination d’élus comme un Gustave Franconie et un Henri Ursleur. De nouveaux acteurs politiques, issus notamment de l’immigration en provenance des Antilles françaises, s’emparent du pouvoir au conseil général et font élire en 1910 comme représentant de la colonie à la Chambre des députés, Albert Grodet, un ancien gouverneur. Le ministère des Colonies reprend ainsi en main les affaires de la colonie que les premières générations d’hommes de couleur de la période post-esclavagiste avaient pour ambition de contrôler. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que les aspirations politiques des hommes de couleur débouchent, en mars 1946, sur l’intégration de la colonie de la Guyane au sein de la nation française, sous la forme de l’un des départements de la République