De Panama à Sigmaringen : "Le Matin", les affaires et la politique (1884-1944)
Institution:
Bordeaux 3Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Le Matin, premier quotidien « à l’américaine » lancé en France en 1884, a une trajectoire surprenante. Présenté comme absolument indépendant sur les plans politique et financier, il devient rapidement une feuille de chantage totalement discréditée. Son premier directeur, Alfred Edwards, n’est attiré que par l’argent. Mais Le Matin, dont la réputation est désastreuse, ne séduit pas un nombre suffisant de lecteurs, et doit être vendu à l’homme d’affaires Maurice Bunau-Varilla dès 1895. Ce dernier réussit là où Edwards a échoué et parvient, avec son associé Henry Poidatz, à transformer Le Matin en grand journal populaire à partir de la fin des années 1890 tout en l’utilisant pour jouer un rôle politique en coulisses. Dès le début du XXe siècle, Le Matin change de nature : ni quotidien de pure information, ni feuille d’opinion, il est désormais conçu comme une force d’action bienfaisante au service de la Patrie. Cette formule innovante, qui s’appuie sur une autopromotion agressive et un sensationnalisme outrancier, connaît un immense succès au cours de la Première Guerre mondiale. Mais l’apogée est de courte durée : dès les années 1920, le journal est de plus en plus discrédité et connaît de sérieuses difficultés financières. La situation se détériore d’autant plus que Le Matin se transforme en véritable organe de combat et vire progressivement à l’extrême droite au cours des années 1930. Il faut attendre l’Occupation pour que Le Matin, quotidien collaborationniste, renoue avec les profits.
Abstract FR:
The history of Le Matin, the first French newspaper with American style founded in 1884, is surprising. Although it claimed to be politically and financially independent, this newspaper very quickly turned into a means to blackmail and eventually became totally discredited. Its first director, Alfred Edwards, was only interested in earning money. But Le Matin, whose reputation was disastrous, was not popular enough and had to be sold to the businessman Maurice Bunau-Varilla in 1895. Unlike Edwards, Bunau-Varilla, with his associate Henry Poidatz, succeeded in turning Le Matin into a big popular newspaper from the late nineties while using it to have political influence. From the beginning of the twentieth century, Le Matin changed into another paper. Neither « objective » newspaper, nor true political or activist paper, it was sold as a virtuous institution serving its country. This innovative concept, which was based on aggressive advertising campaigns and sensationalist news, was very popular during World War I. But this climax was fleeting : from the twenties, the newspaper became more and more discredited and faced with financial problems. The situation became worse because Le Matin turned into an extreme-right activist paper during the thirties. As a collaborationist paper, it became profitable again with the German Occupation.