Naissance et essor d’un espace d’échanges au Moyen Âge : le réseau des bourgs marchands du Midi toulousain (XIe-milieu du XIVe siècle)
Institution:
Toulouse 2Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Between the beginning of the XIth and the middle of the XIVth century, all of the West was covered by a network of small market towns that have left a lasting imprint on present day landscapes. Because of the important diffusion of these towns in its regional space in which bastides still constitute a physical mark, and because of the relative richness of its documentary sources, the Midi toulousain region furnishes the historian with a privileged framework for analizing the origins of this phenomenon, its forms and its place in the context of economic expansion that characterized the Latin world of the time. The thesis shows that it was in the course of the XIth century, in close relationship with the advent of the seigneurial system, that the bourg appeared in the sense defined by Fernand Braudel, with its controlling functions, and especially the commercial ones, over the nearby countryside. Thanks to the concentration of the population and of their activities in prosperous small economic units closely subjected to feudal prerogatives, these towns allowed the new potentes to channel contemporary commercial dynamism to their advantage. For the same reason, the reaffirmation of princely authorities was made possible in the second half of the XIIth century by the deploying of vast territorial policies that were based on the multiplication of market towns which, in virtue of changes begun with the founding of Montauban in 1144, continuously developed the commercial specificity that made their success. The flowering of these small centers during the entire period and in all of the territory under study, the vigor of their trade, all point to a constant reinforcement of the commercial practices of rural inhabitants and furthered domanial projects. The construction of a regional exchange economy that was helped by the rise of manufacturing and commercial activities in bourgs and their growing role in extralocal exchange networks all contributed to the multiplication of opportunities for local peasantry to sale its productions. The expansion of local markets was thus an important regulator of rural economic equilibrium, that came to be affirmed as one of the keys to the perennity of growth. This was all the more true when the generalization of commercial production became one of the ways to remedy the consequences of the population growth in the countryside induced by the limits on the possibilities of extending agricultural land. One thus observes a real summit of a regional commercial network in the last third of the XIIIth century. Then, one can see a dense and hierarchical network of cities, bourgs and villages with complementary commercial functions, that is structured by a complex web of mercantile interrelationships. This remarkable commercial space, whose organization can be seen through the cycles of fairs and markets that emerge, that were promoted and managed by authorities, is the proof that the medieval economy, by the very virtue of its agrarian base, had then become an economy of markets.
Abstract FR:
Entre le début du XIe et le milieu du XIVe siècle, l'ensemble de l'Occident se couvrit, à un rythme rapide, d'un semis parfois assez dense de petites bourgades marchandes dont l'empreinte demeure forte sur les paysages actuels. En raison de la large diffusion de ces dernières sur l'espace régional, dont les fameuses bastides constituent aujourd'hui encore la marque tangible, et de la relative richesse de ses fonds documentaires, le Midi toulousain fournit à l'historien un terrain privilégié pour l'analyse des origines du phénomène, de ses modalités et de sa place dans la conjoncture d'expansion qui caractérisait alors le monde latin. Elle montre que c'est au cours du XIe siècle, et en liaison étroite avec les conditions de l'avènement du système seigneurial, qu'apparut le bourg au sens où Fernand Braudel l'entendait, se définissant par ses fonctions d'encadrement, tout particulièrement commerciales, à l'égard d'un arrière-pays rural subordonné. Grâce à la concentration des hommes et de leurs activités dans de prospères petites cellules économiques étroitement assujetties aux prérogatives banales, ces agglomérations permirent en effet aux nouveaux potentes de canaliser à leur profit le dynamisme contemporain des échanges. Pour la même raison, l'affirmation des pouvoirs princiers passa dès la seconde moitié du XIIe siècle par le déploiement de vastes politiques territoriales largement fondées sur la multiplication des bourgs, qui en vertu d'une évolution entamée dès la fondation de Montauban en 1144 développèrent toujours plus la spécificité commerciale qui faisait leur succès. Car la floraison de ces petits centres tout au long de la période dans l'ensemble du pays et la vigueur de leurs affaires rendent également compte d'un renforcement constant de la pratique marchande des populations, notamment rurales, sur lequel purent s'appuyer les projets domaniaux. La construction d'une économie régionale de relations, favorisée par l'essor des activités manufacturières et commerciales des bourgs et leur implication croissante dans des circuits supralocaux de distribution, multipliait pour la paysannerie des environs les opportunités d'une valorisation marchande de ses productions. Elle faisait ainsi de l'expansion des marchés locaux un régulateur essentiel des équilibres économiques ruraux, qui finit même par s'affirmer comme une des clés de la pérennité de la croissance dès lors que la généralisation des cultures spéculatives devint un des principaux palliatifs des conséquences du surpeuplement des campagnes induit par le plafonnement des possibilités d'extension des terroirs. De quoi conduire à un véritable apogée du dispositif marchand régional dès le dernier tiers du XIIIe siècle, lorsque l'on constate le fonctionnement d'un réseau dense et hiérarchisé de villes, bourgs et villages aux fonctions commerciales complémentaires, structuré par un écheveau complexe d'interrelations mercantiles. Ce remarquable espace d'échanges, dont l'organisation transparaît de l'instauration de cycles de foires et marchés promue et encadrée par les autorités, manifeste alors combien, en vertu même de ses fondements agraires, l'économie médiévale était alors devenue une économie des marchés.