La correspondance Paulhan-Guéhenno, 1926-1968 : deux intellectuels dans le siècle
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Paris, Institut d'études politiquesDisciplines:
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Jean Paulhan et Jean Guéhenno ont échangé près de cinq cents lettres entre 1926 et 1968. Directeurs de grandes revues, rivales et complémentaires, ils ont partagé une extrême attention à la création littéraire de leur temps, à la vie des œuvres et de leurs auteurs. En dehors de cette passion, tout ou presque les a opposés au cours de ce demi-siècle, où la violence des débats idéologiques - engagement, pacifisme, internationalisme, socialisme marxiste ou de tradition francaise, anticolonialisme, gaullisme. . . - n'épuise pas le sens des tragédies collectives en Europe. Comment le dialogue professionnel, teinté de méfiance ou d'incompréhension, s'est-il élargi en une amitié profonde ? La conscience d'origines communes, modestes et provinciales, du caractère accidentel ou précaire de la " réussite " en littérature (comme dans la vie), l'attachement aux valeurs républicaines (plus que démocratiques), l'adoucissement d'une franchise brutale par le biais de l'écriture, l'engagement immédiat dans la résistance à Vichy et au nazisme, expliquent cette amitié. Un Paulhan moins connu apparaît ici, relecteur de certains grands textes de Guéhenno avant leur remise à l'imprimeur, pratiquant un mélange d'intransigeance et de compréhension à l'égard de l'une des grandes figures intellectuelles du front populaire. Ces lettres révèlent aussi un Guéhenno plus complexe que le florilège de textes édifiants - toujours les mêmes -, auquel on le réduit aujourd'hui. Ce culte de la littérature, dont il a montré les limites et les ambiguïtés, dont il a contribué à enregistrer la fin dans notre société, n'en a-t-il pas été l'un des derniers serviteurs ? Au-delà de l'ambition, vite abandonnée, de passer à une forme d'art supérieure, l'essayiste a sans doute eu une conviction, et c'est elle qui le met de plain-pied avec Paulhan, fonde leur langage commun : seule la littérature peut dire le monde et le changer, au moins de façon durable.