thesis

L'Europe plaisante : le recueil de facéties entre culture écrite et oralité à l'époque moderne (France, Italie, Angleterre, XVIe-XVIIe siècles)

Defense date:

Nov. 28, 2020

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Institution:

Paris 1

Disciplines:

Abstract EN:

This dissertation documents the circulation (written and oral) and reception of humour in early modern Europe, developing an approach firmly grounded in the fields of book history and the history of writing practices. By studying a corpus of French, Italian and English jestbooks, my aim is to draw the outline of a « merry Europe », defined by a common heritage of anecdotes, and above all by a series of shared uses of this printed and manuscript material : reading itself, either purely entertaining or for educational purposes, or else related to medical and health concerns (purgation of melancholy), acquiring written and oral eloquence, learning foreign languages and good manners, or maintaining friendly and scholarly sociabilities. Thus, several elements contributed to the emergence of a European culture of humour from the 16th century onwards : the increasing mobility of books owing to the progress of print, the development of vernacular languages together with their increased learning, translations from one language to another, the emergence of a European discourse on civility, the assimilation of teaching methods inherited from humanism and which made the access to texts through collections, anthologies and other compendia easier and more systematic. However, the thesis also emphasizes some limiting factors that deeply changed the material and cultural conditions of the circulation and reception of jestbooks in the 16th and 17th centuries. In the days of Protestant and Catholic Reformations, jokes assumed new polemical functions in religious controversy, so that it is worth examining the hypothesis of a confessionalization of humour. Moreover, the civil and ecclesiastical authorities were worried about the steady development of printing in the vernacular, and took all possible steps to control print and censor books, which had a significant impact on their production and distribution : jestbooks were also targeted, especially in Italy where the Holy Office had this literary genre in their sights as early as mid-16th century. Therefore, religious divisions and book censorship, along with the reconfigurations of the international book market, contributed to the closure of national areas and to the collapse of this « merry Europe » formed during the Renaissance.

Abstract FR:

Cette thèse documente les dynamiques de circulation (écrite et orale) et de réception de l’humour dans l’Europe moderne, en ancrant la réflexion dans le champ historiographique de l’histoire du livre et des pratiques de l’écrit. A partir de l’étude d’un corpus de recueils de facéties en français, italien et anglais, il s’agit de dessiner les contours d’une « Europe plaisante » définie par un patrimoine commun d’anecdotes mais surtout par une série d’usages partagés de ce matériau imprimé et manuscrit : la lecture proprement dite, qu’elle soit purement récréative, à visée pédagogique ou associée à des préoccupations médicales et diététiques (purgation de la mélancolie), l’acquisition de l’éloquence écrite et orale, l’apprentissage des langues étrangères et des bonnes manières, l’entretien des sociabilités amicales et savantes. Plusieurs éléments ont ainsi contribué à l’émergence d’une culture européenne de l’humour à partir du XVIe siècle : la mobilité accrue du livre avec les progrès de l’imprimerie à caractères mobiles, l’essor des langues vernaculaires et de leur apprentissage, les dynamiques de traduction d’une langue à l’autre, l’émergence d’une littérature de civilité européenne, l’assimilation de pratiques pédagogiques héritées de l’humanisme et facilitant l’accès aux textes sous la forme de compilations, de florilèges et autres compendia. Toutefois, la thèse insiste aussi sur des facteurs limitants qui ont profondément modifié les conditions matérielles et culturelles de circulation et de réception des recueils de facéties aux XVIe et XVIIe siècles. A l’âge des Réformes protestante et catholique, la facétie assume de nouvelles fonctions polémiques dans le cadre de la controverse religieuse, si bien que l’hypothèse d’une confessionnalisation de l’humour mérite d’être examinée. Les autorités civiles et ecclésiastiques, inquiètes de l’essor de l’édition en langue vernaculaire, mettent en œuvre des politiques de contrôle de l’imprimé et de censure qui affectent la production et la diffusion de ce matériau imprimé : le recueil de facéties n’est pas épargné, notamment en Italie où il fait l’objet de toutes les attentions du Saint-Office dès le milieu du XVIe siècle. Les divisions religieuses et la censure du livre, en plus des reconfigurations du marché international du livre, ont ainsi contribué à la fermeture des espaces nationaux et à l’éclatement de « l’Europe plaisante » constituée à la Renaissance.