Le Jeu de la Pourpre et du Bâtard : les enfants illégitimes de patriciens face à l'aristocratie vénitienne à travers cinq procès en justice civile au dernier siècle de la République (1694-1780)
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Abstract EN:
The original political regime of the aristocratic Republic of Venice had produced a « patrician system » in which State government and family were inextricably linked. Not surprizingly, the exclusive access to political power had shaped an exclusive kinship model.From the mid-XVIIth century onwards, the financial and political challenges faced by the Republic had questioned and exacerbated alltogether the strictness of this kinship model. At the core of the contradiction stood some individuals who embodied the whole tension : illegitimate sons and daughters born of patrician fathers.The inheritance status of such hybrid beings mirrored the « place » given - or not given - to them in family and society, and could create conflicts. Venetian archives have revealed trial briefs meant to serve in lawsuits initiated by illegitimate children claiming inheritance over their noble fathers’ heirs, from 1694 to 1783. Trial briefs have been raising historians’ interest accross Europe lately. This thesis is the first research to present and use this type of sources in the framework of Venetian civil justice.These stories stage various protagonists, male and female, patrician and non-patrician, well born and ill born, trying to make the best possible use of the norm and legal procedures at their disposal to make their voice heard. Those discordant voices, as well as the judges’, prove that contradictory individual and societal notions of kinship could coexist. How did these conflict in a sophisticated yet flexible judiciary system and in a major crisis context ?As often, border-line cases such as these also reveal implicit kinship and gender dynamics at work even in the regular case. They unveil not only the ambivalence of gender criteria in illegitimate context, but also the existence of complex shades of « gender tones » to which the various protagonists, ill born and well born, seem to have belonged in the eyes of their contemporaries.
Abstract FR:
Le régime politique original de la République aristocratique de Venise a produit un « système patricien » dans lequel familles et gouvernement étaient intrinsèquement liés. De façon non surprenante, l'accès exclusif au pouvoir politique a généré des règles strictes d’hypodescendance. À partir de la moitié du XVIIe siècle, les défis économiques et politiques de la République ont à la fois remis en question et exacerbé la rigidité de ce modèle de parenté au bord de la rupture. Les enfants illégitimes de pères patriciens incarnent toute cette tension. Le statut successoral de ces êtres hybrides reflète la place que ceux-ci étaient censés occuper -ou ne pas occuper- dans la famille et la société, la marge de manoeuvre laissée par les normes juridiques donnant lieu à une variété de cas de figure, mais aussi à des conflits.Les archives vénitiennes ont révélé des factums destinés à des procès intentés par des enfants illégitimes devenus adultes contre les héritiers patriciens de leur père, entre 1694 et 1783. Cette thèse est la première recherche basée sur les factums vénitiens d’Ancien Régime en justice civile, ou stampe in causa.Ces affaires mettent en scène des protagonistes variés, hommes et femmes, patriciens et non patriciens, bien-nés et mal-nés, essayant de faire le meilleur usage possible de la matière juridique et des procédures à leur disposition pour faire entendre leur voix. Ces voix discordantes autant que celles des juges des diverses cours compétentes, prouvent la coexistence d’interprétations contradictoires de la parenté. Ce travail se propose d’analyser ces affrontements dans une perspective d’anthropologie juridique afin de dégager les « règles » complexes et inattendues du ‘jeu de la pourpre et du bâtard’.Ces cas-limite qui relèvent de l' « eccezionale normale » révèlent des dynamiques implicites de parenté et de genre dans la famille patricienne en général. Ils montrent l'ambivalence du genre dans un contexte illégitime, ainsi que la complexité du rapport à la loi dans un système judiciaire à la fois sophistiqué et souple, et en contexte de crise.