Le ruban et le métal : recherches sur les élites économiques de la région stéphanoise au XIXe siècle, 1815-1914
Institution:
Lyon 2Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
At the turn of the XIXth century, Saint-Étienne was a small city of 20. 000 inhabitants specialized in iron, ribbon and arm handicrafts. It had no administrative function and was dominated by a patrician clan of merchant-manufacturers whose ambition was to reach the first rank of nobility. In 1789, they benefited from the sale of the national properties to acquire huge lands which will become the heart of the city and will be highly priced or which will allow to perceive taxes on the subsoil thanks to the coal fields. The trade of ribbon had its peak period between 1815 and 1870. It remained organized according to the principle of the "domestic-system" which is a proto-industrial way of production based on cottage work. Thus, there originated a traditional elite with the textile firm-owners and surrounding professions (silk merchants, agents, bankers, lawyers). Professional men were underrepresented and recruited outside the city. Fortunes were invested in the land and many tradesmen lived on their income. With this oligarchie we could observe the parallel birth of a capitalistic upperclass, a pioneer in the big industry. Heavy metallurgy developed as early as 1815 initiated by ironmasters coming from other regions or countries. They were self made men often of simple origins. Saint-Étienne became the first industrial area of France. Big enterprises were branching out on all directions with a complex law system. They were highly concentrated and integrated. At their head they had members of powerful employers' federations and these men offered a great possibility to move and had different references from the local bourgeoisie. Unlike the others, they used to invest their money in personal estates and industrial activity. Old elites and new ones were fully opposed. Both in their mentality of managers and in the way they administrated workers. The former only provided charity, the latter being paternalist and their economical interests differed too, the former being in favor of free-trade policy, the latter of protectionism. For fear of seeing their land depreciated, the local notables confined the steel-works in the surrounding cities and established a real monopoly on the town council and the chamber of commerce. Traditionally conservative, they were strongly attached to catholicism and after 1880, they became wild enemies of Republic, whereas ironmasters, often protestants or freemasons, defended it
Abstract FR:
Au début du XIXe siècle, Saint-Étienne est une petite ville de 20. 000 habitants spécialisée dans l'artisanat du fer, des armes et du ruban, dépourvue de toute fonction administrative, dominée par un patriciat formé de marchands-fabricants dont l'ambition est d'accéder au premier degré de la noblesse. En 1789, ils profitent de la vente des biens nationaux pour acquérir d'immenses terrains qui deviendront le coeur de la cité et seront considérablement valorisés ou qui leur permettront de percevoir des droits tréfonciers grâce aux gisements de houille contenus dans leur sous-sol. Le négoce du ruban qui connait son âge d'or entre 1815 et 1870, reste organisé suivant le principe de la "fabrique" ou "domestic-system", mode de production proto-industriel basé sur le travail à domicile. Ainsi se constitue l'élite traditionnelle formée des patrons du textile et des professions satellites (marchands de soie, commissionnaires, banquiers, notaires). Les professions libérales, sous-représentées, se recrutent à l'extérieur de la cité. Les fortunes sont investies dans la terre et nombre de négociants deviennent rentiers. La métallurgie lourde se développe à partir de 1815 sur le bassin minier, à l'initiative de maitres de forges venus d'autres régions ou pays, self-made men souvent issus du peuple. Saint-Étienne devient la première région industrielle française et une grande bourgeoisie capitaliste se forme. Placés à la tête d'entreprises fortement concentrées et intégrées aux ramifications multiples et aux statuts juridiques complexes, membres de syndicats patronaux puissants, ces hommes présentent une mobilité géographique importante et possèdent des références différentes de celles de l'oligarchie locale. Leurs fortunes sont davantage investies dans les valeurs mobilières et l'activité industrielle. Tout oppose les élites anciennes et les nouvelles : leur mentalité de chefs d'entreprise, leur gestion de la main d'oeuvre (les premières se limitant à pratiquer la charité, les secondes adoptant le paternalisme), leurs intérêts économiques (libre-échangisme contre protectionnisme). Craignant la dépréciation de leurs terrains, les notables locaux cantonnent les aciéries dans les communes périphériques et établissent un véritable monopole sur le conseil municipal et la chambre de commerce. Traditionnellement conservateurs et fortement attachés au catholicisme, ils deviennent, après 1880, les ennemis farouches de la République, tandis que les maitres de forges, souvent protestants ou francs-maçons en sont les défenseurs