"Devant la porte du priore, dessoubz le chastel dudict lieu" : la question des bourgs dits "castraux" et "monastiques" : oekoumène, synoecisme et sens des lieux durant le "long moyen Age" dans les agglomérations péricastrales et périmonastiques du Charolais-Brionnais (Bourgogne du Sud)
Institution:
LyonDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
The concepts of bourg castral and bourg monastique are two of the most important concepts of french urban history, aiming to modelize the genesis of new settlements around the feudal seats of power such as castles or monasteries near the beginning of the 11th century. Historiographically, this unprecedented grouping movement was justified by the power exercised over the people but also by the protection and privileges provided by the lords. In the social aspect, this is included in the general dynamics of encellulement (R. Fossier), which is a polarization process of social dependancy areas in favour of emblematic places like the parish church or the seigniorial buildings. The present thesis aims to comparatively explore the spatial modesof genesis and evolution of four « bourgs » in South Burgundy, in order to understand the long-term spatial and social constitution of agglomerations around seigniorial structures, and also to test the heuristic value of historical models of bourgs castraux or bourgs monastiques. The geographic area chosen for this study is the homogenic space of Charolais-Brionnais, between the Loire and the Saône rivers, a mostly rural area. With no central town, this territory is characterized by several small towns often combined with a medieval castle or a monastery.In accordance with recent historiographic evolutions (such as the re-evaluation of the incastellamento model, the reconsideration of the village genesis, and the rethinking of the 11 th century interruption) and methodological renewals (re-examining the hierarchization of historic sources regarding settlement history, the new place of morphologic analysis of plans), we first chose to focus on a spatial analysis of agglomerations, in which the material space is the central point of the study. The analysis thenproceeds to examine other sources which can provide strictly spatial data. Secondly, we chose a regressive reading of space, by means of historic morphological study of ancient town plans : the goal is to deconstruct the spatial evolution of towns by looking as far as possible back into the past.First of all, the results show a variety of urban evolution patterns downgrading the ring model (usually summoned to explain the attraction of seigniorial centers). Also, successive housing estate operations demonstrate a continuous evolution and plasticity of town plans, which in consequence are sometimes very different from the configuration shown by the napoleonic cadastre. While the seigniorial center is socially important, its spatial role is not always decisive : in half of the cases, the carolingian strong territorial structure has remained as a determining grid for later developments, which accounts for many implantationsand demarcations at the end of the Middle Ages. In other cases, a planned structure can be set up when the territorry is authoritatively supervised by a new seigniorial power. These planned structures foster deep social polarization. In any case, the feudal space must deal with two former networks : the parish network, which is very stable up to the end of the Middle Ages, and the road network, which favours settlement at crossroads.
Abstract FR:
« Bourg castral » et « bourg monastique » sont deux concepts phares de l’histoire des villes françaises, qui visent à modéliser l’apparition, autour de l’an Mil, de localités nouvelles autour des lieux de pouvoir seigneuriaux que sont les châteaux ou les monastères. Dans l’historiographie, ce regroupement inédit des populations est expliqué par le pouvoir exercé sur les hommes, mais aussi par la protection ou les privilèges que peuvent apporter les maîtres de la terre. Socialement, ceci s’intègre dans la dynamique plus globale de l'encellulement, soit un processus de polarisation des aires de dépendances sociales au profit delieux emblématiques comme l’église paroissiale ou le complexe seigneurial. La thèse présentée s'est attachée à explorer de manière comparative les modalités spatiales de genèse et de développement de quatre bourgs castraux ou monastiques de Bourgogne du Sud, afin de pouvoir comprendre sur le temps long la constitution spatiale et sociale de l’habitat groupé autour des réduits seigneuriaux, tout en testant la valeur explicative des modèles historiques du bourg castral ou monastique. Le choix du cadre géographique s'est porté sur l'espace homogène que forment les pays charolais et brionnais, entre Loire et Saône, soit une zone à forte dominante rurale, dépourvue de ville centrale, est constituée d'un chapelet de petites villes majoritairement dotées d'un monastère ou d'un château médiévaux.En accord avec les récentes évolutions historiographiques (nuances apportées au modèle de l’incastellamento, remise en cause de la naissance du village et de la rupture de l’an Mil), mais aussi les renouvellements méthodologiques (critique de la hiérarchie des divers types de sources dans l’écriture de l’histoire des lieux de peuplement, place de la lecture morphologique des plans), l’approche choisie a été celle d’une analyse prioritairement spatiale des agglomérations, qui met au centre de la réflexion l’espace matériel appréhendable, et convoque ensuite toutes les sources pouvant fournir des renseignements strictementspatiaux. La seconde dimension retenue est celle de la lecture régressive, notamment par le biais d’une analyse de morphologie historique de tous les plans anciens : le but est de déconstruire l'évolution spatiale des agglomérations en remontant le plus loin possible dans le temps. Les résultats montrent en premier lieu une diversité de schéma d’évolution des agglomérations, loin du modèle auréolaire souvent mis en avant pour figurer l’attraction du pôle seigneurial ; on note aussi une évolution et une plasticité continues des plans des localités, par la succession de phases de lotissements, quelquefois très loin de la configuration montrée par le plan cadastral napoléonien. La place du pôle seigneurial, importante socialement, n’est pas forcément déterminante spatialement : lorsque, dans la moitié des cas, on peut supposer une structuration déjà forte du territoire à l’époque carolingienne, cetteorganisation restera une grille extrêmement présente dans les développements ultérieurs, qui explique par bien des côtés les implantations et les délimitations de la fin du Moyen Âge ; lorsqu’il y a prise en main autoritaire et nouvelle d’un lieu par le pouvoir seigneurial, on note au contraire une organisation planifiée qui impose une structuration propice à une polarisation sociale profonde. Quoi qu’il en soit, l’espace seigneurial doit compter avec deux réseaux qui le précèdent et qu’il modèle en partie : le réseau paroissial qui paraît rester très stable jusqu’à la fin du Moyen Âge, et le réseau routier, dont les carrefours dictent en large part les premiers regroupements.