Ponction féodale et société rurale en Allemagne du sud : (XI-XVIe siècles) : essai sur la fonction des transactions monétaires dans les économies non capitalistes
Institution:
Université Marc Bloch (Strasbourg) (1971-2008)Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
The analysis, in south-german sources between the 11th and the 15th centuries, of what is usually considered as labour rent, shows that a considerable transformation occurred between the 12th and the 13th centuries. This change does not only consist in a drastic reduction of corvées labour from 3 days a week to 3 days a year, but also in a shift of the social meaning of the labour rent: whereas the post-carolingian manor was characterized by a servitium which encompassed mostly labour rents but also dues in kind and in money, the late-medieval lordship makes a clear distinction between labour rents and all other kinds of rents, and thus allows corvées labour to symbolize seignorial domination - hence to be a central symbol though practically from no more importance. The problem is therefore to know what replaced labour rents as the central mechanism of seignorial domination. If it is generally assumed that dues in kind replaced labour rents, the analysis of price series, as it uncovered phenomenas contradictory to the neo-classical theory (weakness of the link between production and prices, lack of "soudure"), leds to the hypothesis of a control of monetary transactions by landlords. Hence dues in kind and in money do not appear any more as the mechanism of seignorial domination but as the condition of a domination realized through the monetary circulation of products. The rise of the market can thereby not be explained as a shift toward a capitalist system, but as the result of the internal dynamic of the feudal system - a dynamic which allows it to reorganize itself and to improve its efficiency. Indeed domination, as it does not any more occur through the direct control of production but through the indirect control of circulation, has become invisible to tenants.
Abstract FR:
L'analyse, dans la documentation d'Allemagne du sud des XIe-XVe siècles, de ce que l'historiographie désigne comme corvées, permet de faire apparaître une transformation fondamentale opérée entre les XIIe et XIIIe siècles. Cette transformation ne consiste pas seulement en une considérable diminution des réquisitions d'activité, de 3 jours par semaine à 3 jours par an, mais également en une transformation de la signification sociale de ces réquisitions: tandis que le grand domaine post-carolingien est organisé autour d'un servitium qui comprend certes avant tout des réquisitions d'activité, mais aussi bien des livraisons de produit et d'argent, la seigneurie tardo-médiévale distingue nettement les corvées de tous les autres dus, afin d'en faire la manifestation, symboliquement essentielle si pratiquement elle n'a plus d'importance, de la domination seigneuriale. Se pose alors la question de savoir quel est désormais le mécanisme qui assure pratiquement cette domination. S'il est généralement considéré que le prélèvement en produit remplace le prélèvement en travail, l'analyse de séries de prix, dans la mesure où elle met au jour des phénomènes impossibles à expliquer dans le cadre d'une théorie classique du marché (faible lien entre production et prix, absence pour les prix mensuels de soudure), amène à émettre l'hypothèse d'un contrôle des transactions monétaires par les dominants. Ainsi le prélèvement apparaît-il non pas comme le mécanisme de la domination seigneuriale mais comme la condition de possibilité d'une domination qui se réalise grâce à la circulation monétaire des produits. L'essor du marché ne peut donc être considéré comme prodrome du système capitaliste, mais comme résultante de la dynamique du système féodal, qui lui permet de se réorganiser afin d'accroître son efficacité - parce que la domination, étant assurée non plus par le contrôle direct de la production mais par le contrôle indirect de la circulation, devient ainsi invisible aux dominés.