Abstract FR:

La crise qui secouait le maroc sous les derniers merinides (14e - 15e s) a vu surgir les lettres d'ibn abbad (m. 792 h) au sultan merinide abu faris (m. 774) nush de son disciple ibn sakkak (m. 818 h). Celui-ci s'adresse implicitement au sultan merinide abu said iii (m. 823 h) sous le regne duquel les chorfa idrissides ont perdu leurs privileges. Ibn abbad et ibn sakkak sont tous deux affilies a la tariqa sadiliya qui s'oppose aux savants litteralistes et au mysticisme populaire, les excluant du champ politico-religieux. Ibn abbad trace a son destinataire un projet de reforme repondant aussi bien a son interet religieux (voir le monopole sadilite du discours religieux au maroc) qu'a la visee hegemonique du sultan. Quant au nush, il se presente comme un discours de contre-pouvoir en faveur des idrissides. Dans la pensee d'ibn sakkak, l'acces de ces derniers (affilies a la sadiliya) au sommet du pouvoir politique garantit au sadilisme le monopole du discours religieux. Sur la captation de ce monopole, le disciple rejoint son cheikh. Mais le nush marque une rupture par rapport au discours d'ibn abbad car il oppose a la force tribale le principe cherifien. Il marque aussi une evolution car dans le nush c'est la carence de l'asabiya merinide qui a permis le diffusion du cherifisme. Ce que nous appellons "periode de decadence" a donc vu surgir des discours politico-religieux qu'il faut considerer comme pensees elaborees destinees a devenir l'un des leviers de l'action politique et sociale.