Abstract FR:

La société des observateurs de l'homme (1799-1804) est figée, depuis la fin du XIXe siècle, dans un double système d'interprétations. D'une part, elle a acquis le statut « d'ancêtre de l'anthropologie française »; d'autre part, elle apparait comme une antichambre institutionnelle et épistémologique du groupe des idéologues. Nous écartant de ces représentations canoniques, nous avons cherché à revisiter le groupe des observateurs et ses activités savantes (en particulier l'étude de l'enfant sauvage de l’Aveyron et la préparation théorique de l'expédition maritime du capitaine Baudin) en les replaçant dans le contexte particulièrement complexe de l'époque consulaire. En insistant sur les trajectoires politiques et sociales des différents membres de cette société savante, nous avons remis le projet savant dont ils se réclament, l'anthropologie, dans la perspective des conflits et transformations qui caractérisent l'époque consulaire. Loin d'apparaitre comme une institution de savoir susceptible de créer les conditions d'un savoir scientiste et positif, la société des observateurs de l'homme révèle une très forte hétérogénéité, tant par les membres qui la composent, que par les modalités et les pratiques de savoir dont elle est le théâtre. La mise en valeur et la compréhension des enjeux de cette hétérogénéité nous a permis de préciser certains traits d'originalité de cette société savante parisienne (en particulier l'absence d'une liste de son personnel et d'un recueil de ses mémoires) qui, en dépit de son existence éphémère, semble jouer un rôle décisif dans le processus générale de transformation de l'ordre des savoirs et des discours entre 1795 et 1810. En révélant les différentes strates de discours savants et les divers intérêts dont se réclament les individus, groupes et réseaux qui composent son personnel, il a été possible de préciser la nature de l'anthropologie des observateurs et d'en montrer la fonction dans la « transition » épistémologique, sociale et politique de 1800.